Volatil

À mon âge
Il est temps d’enfler

Globuler du bide
Acheter des murs

Promettre aux gosses
La surcouche de moelleux

Penses-tu ! Je vaque
À secouer de l’air

Par le canal auditif
Six millimètres de diamètre

Pour débouler dans les cases
Du cerveau

Y purger des bouteilles
Remplies d’avant-hier

D’un certain monde entier
Et d’un certain manque d’appétit

Pour la conserve
En promettre aux gosses ?

Il faut être léger, volatil
Voilà l’héritage de papa

J’ai bien de la chance :
Assez souvent, je m’amuse.

23 mai 2007, Penvenan

Contact

J’arrête un couple
Dans la rue

Vous avez vu ?
Nous sommes là

On apprend
Dans le même temps

Que la terre
A été pénétré cette nuit

Toute surveillance tue
Par un arbre électrique

Comme elle n’en a pas subi
Depuis ses débuts

Et qu’un ministère
Prévoyant conserve

Douze heures intact
Dans un site secret

Du désert profond
À l’opposé d’ici

Une parcelle de ce contact
Sans équivalent

Et vous ? me disent-ils
Tandis que je m’éloigne

Vers un autre couple
Je n’y suis plus déjà

Je ne reste pas longtemps
Dans ce genre de rêve.

1 octobre 2005, Douarnenez

Dingue

Je vous regarde passer
Moi dangereusement détaché

On aurait des fronces au ciel
À bien regarder

Et des averses de caoutchouc
Les murs ont l’air souple

J’ai l’air de peser
D’un début de liquidité

En traversant la cour
Mais je m’en fiche

On a tout logé maintenant
Dans une tête d’épingle

On s’est condensé
Dans une seule granule

Il n’y a pas plus incassable
Dans le domaine humain

Et j’observe ma frange
Dangereusement détaché

Mais rien n’empêche d’avoir froid
À une extrémité

Soudain ou de s’empiffrer
De fumée je me demande

Si toute cette fumée en gelée
N’est pas le monde

Ou dans un état de stupeur
Qu’on n’aurait pas découvert

Ça dure comme ça veut
Ni froid ni confortable

Ni désastreux ni désespéré
On a l’air détaché du mur

De l’escalier, du chat, de soi
Minuscule œil perché

À se regarder passer
Dangereusement libre.

30 septembre 2005, Brest

Ohne gesichte

Lorsqu’enfin je me risque à descendre
Dans le tourbillon mou de la nausée

– À cette époque-là de la nuit
Nous sommes passés, petites bulles

Dans le code interstitiel du monde
Dédale de vitrines miniatures inventives

Quoique circonscrites par notre seule acuité
On est un microscope immergé, là-dedans –

Ma nausée est une plaque tournante
Soumise à la gravité d’un trou

Je n’ai pas de ventre alors
Je n’ai pas de ventre, où est-il passé ?

J’ai le bassin relié à la cage thoracique
Par deux bras de lobe distendus

Et la grande nuit noire, vaste milieu
Et la grande nuit noire à nourrir

J’y verse la fumée, les aliments, l’action
Chaque jour de la vie n’y peut suffire

Qui m’a fichu cet appétit dans le sang ?
Qui m’a dédié à la famine ?

Il serait bien temps de rallier
Quelque part un continent

Il serait bien temps d’employer nos forces
À s’injecter dans les vitrines

Avec toute la volupté nécessaire
Et selon chaque circonstance de matière

Fut-ce au cœur mou de la nausée
Ohne gesichte, ohne gesichte

Perdre là-dedans l’idée de faire carrière
Dans une certaine solidité de soi.

19 septembre 2007, Ouzouer-le-Marché, sur la route

Déluge

Il pleut depuis trois mois
Tout est glissant, mouillé, glauque

Le ciel est bas, le ciel est lourd
Même l’indigène renâcle

Où s’ébrouer dans la brouillasse ?
C’est ça : où s’ébrouer ?

Les bois d’ouvrage sont imbibés
La terre lourde hyper grasse

Les foins pourrissent, les égouts
Djasent, les nations gambergent

On s’éclabousse, on glisse
On se tasse, on s’enfonce peu à peu

On pronostique, on sacrifie
Pourquoi a-t-on toléré la chimie ?

Dans les aliments pour chiens
Et jusque dans le tabac

Quand on y pense, un vrai vertige
Un petit siècle de blouses blanches

Et tout est glissant, mouillé, glauque
Déjà trois mois de bourbe et d’embarras.

30 juillet 2007, Kergloff-Vihan

Rivière

Chaque fois je voudrais être calme
Comme un arbre et tremper

Dans toutes les dissensions de l’air
Et parmi tous les plis de la rivière

Et tout dilater dans la cuisson
Et tout ramasser dans l’hiver

Mais quelques fois je voudrais
Tomber je voudrais tomber

Chaque fois quelque chose jaillit
Qui me ferait tomber

Et chaque fois la chaise se dérobe
Qui me ferait tomber

Et rien ne se passe et j’ai
Chaque fois l’air de brûler du précieux

À survoler les chaises
Tandis que je voudrais tomber

Chaque fois je cours après les fusées
Foutues courses dans l’avenir

Des vingt prochaines secondes
Trente hypothèses saugrenues

Trente combinaisons de chimie
Et trois et trois font vingt points virgules

Quelques fois ça pourrait tomber
Restriction générale de l’électricité

Mais je commence à me connaître
Et via quatre ou cinq lubies je fonce

La vie est courte la vie est bien faite
Acheter vendre et la vie migre

Ou bien je rebondis contre
Un atome de tourisme intégral

C’est-à-dire de nudité totale
C’est-à-dire de parfaite déconfiture

Quelques fois je voudrais tomber
Quelques fois je voudrais tomber

Et puis quelque chose passe
Un peu de temps passe

Et il n’y a que nu qui m’aille
Pour tremper comme je veux.

14 juillet 2007, Castelfranc

Défonce

Le lourd chalutier de guerre
Est sur sa rampe de lancement

Il n’est pas neuf, mais c’est pour lui
Le moyen sûr de gagner la mer

Ce matin, le moteur est insuffisant
On le pousse, on le force, on l’emballe

On n’y croyait plus
Enfin, le bâtiment s’ébranle

La rampe n’est pas disposée face au large
Mais perpendiculaire au quai d’en face

Le lourd chalutier de guerre
Entre dans l’eau à une vitesse infernale

Traverse le chenal sans le sentir
Traverse le quai d’en face : on s’épouvante

Les bâtis s’écroulent
Des parts d’immeuble tombent

Des fenêtres s’ouvrent
Sur la vie des gens, sur des chambres

Les rangs de murs s’affaissent
On craint pour toute l’existence du quai

La proue du navire emballé
Rien, jusqu’à ce jour, n’a pu l’arrêter

On nous présente un couple
Dans une chambre éventrée

Une assez grosse fée noire
S’active à nous le présenter

Lui est habillé à la mode bourgeoise
Des velours et du gras

Elle est toute jeune et son regard
Un peu flou, un peu perdu, un peu en dedans

Nous avertit qu’on a dû l’enfermer
Que penser de tout ceci, que penser de cette affaire ?

La charge du blindé a donné de l’air
Ce matin à une pauvre personne.

20 février 2006, Douarnenez

Burn Body Fat

Toute la peau pince
En dedans, se souvient

Des perspectives
De lumière crue

Intacte parmi l’ogre
Dont nous fûmes

Poignées de cheveux
Dans des galops crétins

Et je commence à voir

Ce que ce sera
L’hiver de la vie

Un poison plus massif
Que cet abrutissement-là

Moins passager
Que ce glacis sur la vitre

Notre petit imbroglio
Se sera tout dilaté

Demandez-moi d’où je suis
Par là, du système solaire

L’été pyrolyse chaque fois
Les cumuls de gras.

4 janvier 2006, Douarnenez

Sur la comète

On a tracé nos plans
À la pointe sèche

On s’entraînait
Pour le passage de la comète

On a crissé des dents
Sur les pains de glace

On ne savait pas
Qu’on aurait du fragment

Quand elle passerait
Avec son aplomb de migrateur

Au-dessus des messes
Et des ouvrages ardents

Ce n’est pas si grave
On a laissé des miettes

Sur le glacier
Du monde durable

On a eu nos aigreurs
Et nos toux de moteur

Dans l’appareil enténébré
Des jours ouvrables

On a bien compris l’apesanteur
Je ne sais plus dans quel secteur

On n’a jamais changé de masse
Seulement d’intensité

On s’essayait à la plongée
Et au vol habité

On s’était fatigué des plans
On optait pour l’eau froide

On s’entraînait
Pour le passage de la comète

Et quand elle vint
Dans les bois de sapins

Nous avions l’étrave à la chasse
Quelque part en quête

De la furie, de la muscade
Du dernier hydrocarbure

On plantait dans les grumes
Nos dents de brise-glace

Et la chair fraîche des arbres
Affolait les résines

La comète fit une fronce
Aux sangs mous des sèves

Nous eûmes à peine le temps
De recoiffer les cimes

A peine le temps de laisser aux morsures
La faible médecine de nos excuses

Et les arbres alarmés par notre bêtise
S’épousseter de leur mystérieuse tendresse

Nos talons d’os battants
À peine le temps

De gagner l’orbe de la comète
Avec bien d’autres nocturnes.

2 septembre 2005, Douarnenez

La sieste

Une pointe d’éternité
Dimanche de juin

Le réveil est réglé
Pour une heure de sieste

Mais je n’arrive à rien
Flotter entre deux eaux

Il sonne et je l’arrête
Et m’endors enfin.

26 juin 2005, Douarnenez