Nazbrok

Modeste arpenteur
D’un Prince de grève
Dépourvu de fixité
D’alliances, d’impunité

On cloque du pied
A l’aube de l’année
La dorsale sonore
Du sillon du Talbert

Millions d’enclumes
Où fonder
Millions de galets
La molécule
D’un prompt essor

Le talon de l’ouvrier
Tarabuste encore
L’interminable
Essaim du Talbert

Qu’une soudaine gravité
Très haut-placée
Tire en arrière
Les cheveux de la marée

Feu de soude
À la côte
Et valdingue
De clapots
Et giclées de sang gris !

Rendu tout au bout
On observe fumer
La candidature — enfin
D’un archipel

Échevelé dans l’aube
Et très noir
D’un pétage d’encre
Asphyxiée

On le devine,
Les sentinelles ventilent
Après l’apnée
Debout
Aiguës sur les ceintures

Mais la pointe mobile
Du sillon
N’atteint pas
Ces banlieues circulaires

Et seul à l’aube
Nazbrock
Espèce de prince
De la broutille

On pose
Un demi-galet mordu
Au sommet
Du plus occidental
Des trois cairns

Puis la porte se ferme
À mesure
Trois pas derrière soi
Avec un bruit mouillé

Le Prince ira, nomade
Disputer à la lune
L’emprise
De la marée

Atteindre les cités
Nouer des couronnes
Marcher
Sur un cheveu
Mais pour l’heure

Salut
Aux oies bernaches
Au goémon
Et aux nuages

Peuples
De qui je suis serviable
Et affamé
Et peut-être slave

On chevauche
Sur les seuls sabots
De l’arpenteur
La dorsale
Émergée du Talbert.

18 janvier 2000, Pleubian, Sillon du Talbert