L’île de T.

Photo Julien Lebfèvre

2ème partie : DANS L’ÎLE

[Alfred]
Je suis allé mettre des pas dans Bober.
Les maisons paraissent avoir disparu maintenant.
Il ne reste que ce ruban de mue de l’ancienne rue. Et l’empathie du pied pour la vieille fidélité de l’asphalte, ici tout à fait cancéreux. C’est un fouillis vert sans grandeur et, comme je l’ai déjà dit, la proximité de la route, le voisinage indifférent des voitures avivent une impression d’à côté pénible et de mort mal fermée.
La route est à un kilomètre à peine et toujours sous contrat de banalité.
Bober est aujourd’hui un ilot long, tout plat. On y pourrait planter un phare. C’est la plus mauvaise passe pour aborder l’archipel. La plus vicieuse. Encore accrochée au monde banal.
L’île principale est encore à vingt kilomètres, mais Bober est le premier étouffoir, la première bouche cousue, la première phase glaciaire. Et le passage obligé pour qui s’en vient du sud, du village de Volodarka où s’accroche une colonie de trois cents coeurs.
Une chose est sûre : pas de lampe… l’oeil se recalibre au noir.
L’oreille retrempe dans l’absence. Et la pensée même finit par recouvrer son fragile vernis de miracle ambulant.
J’y mettais le pied par hasard au printemps, dans les débuts du vingt-et-unième.

[Morgane]
À partir de là, vous pouvez fermer les yeux et nous oublier.
On peut voir la cuisine de l’autre côté de la pièce où nous sommes.
Un indigène, Tola, joue du bayan. De l’accordéon.

[Olga]
Il y a une semaine, j’ai fait un rêve. J’ai vu… moi-même, Olga, telle que je suis, qui se trouvait dans une chambre sombre et… cette Olga, elle a interrogé une autre personne et… c’était moi. Et puis j’ai compris que c’était la zone. Donc, moi et la zone, c’était la même personne, la même chose. C’était moi qui posais les questions et c’était aussi moi qui répondais. C’était un peu effrayant parce que, bon, c’était moi la zone. Malheureusement, je ne me souviens plus des questions que j’ai posées et je ne sais pas ce que j’ai répondu.

[Alfred]
Vers l’âge de vingt ans, j’ai voulu vivre au bord. Sur un bord, vous voyez ? La côte pouvait m’aller. À pied, on ne peut pas aller plus loin.
J’ai remis le cap à l’Est vers l’âge de quarante. Un bord opposé clignotait, une flaque de terre. Une île. Presque une maladie. On ne l’avait nommé, encore, que par des périphrases.
Par commodité, et puis parce qu’un film d’Andreï Tarkovski paraîtrait prémonitoire dans cet à-peu-près, l’île de terre fut bientôt l’île de T.
De ces allers-retours vers l’île, j’ai déjà tout dit dans un journal de bord. Genre d’ouvrage plein de détails aussitôt datés.

[Pascal]
Écrire est toujours le moyen de m’ôter quelque chose d’intelligible. Comme si le petit fil de la vérité trouvait toujours à se démailler du transitoire, de l’anecdote, du cafouillage.
Cinq ans plus tard, je ne me sens pas moindre.
Bien des détails ont pâli, quelque chose s’est inversé. Mais l’essentiel est simple : aussi loin que l’on aille, on s’approche de soi.
Les choses complexes n’ont pas de centre. Si la géométrie voulait nous en donner, il lui faudrait des vecteurs élastiques et courir après des marées considérables.
Alors, pour aider un peu nos enfants à solidifier la réalité, nous leur donnons le bras, la prière… et l’abécédaire.
En attendant que les hautes formules sonores de la poésie, un jour, renvoient ces pseudo-solides au dégel.
Renvoient vibrer ces pseudo-solides. Les rendent à l’insécable.

[Morgane]
Aujourd’hui est à peu près quelque chose comme le neuf mille deux cent quatre-vingt-douzième jour de l’île. Neuf mille deux cent quatre-vingt-douze.
Pourquoi ne pas dire où ça se passe ?

[Pascal]
Vingt-neuf degrés Est, cinquante-et-un Nord. En approche. Vitesse lente.
Pourquoi ?
Sur le terrain, l’île n’est pas plus délimitée, disons, qu’une flaque d’eau sur la mer.
Flaque de terre sur l’empire terrestre. Les hommes n’y vont guère. Les villages sont vides et fondent peu à peu. On cherche une raison apparente. Il n’y en a pas.
L’émersion de l’Archipel survint en quelques jours. On vit les îles descendre du ciel. Ou plutôt…
L’armée déménagea les bêtes. Les gens. On ne vit rien.
Pourquoi l’archipel de T. ne peut-il être cerné par la pensée… toute simple ?
Il n’est pas plus visible qu’une flaque d’eau sur la mer.
Imagine un peu…
Tu marches à travers une prairie par une très belle après-midi de fin de printemps. L’air est tendre.
Tu allumes l’appareil jaune et il sonne.
Tu viens de marcher dans l’île.

Photo Julien Lebfèvre

[Morgane]
Neuf mille deux cent quatre-vingt-douzième jour de l’Île.
Elle n’est déjà pas plus soluble
Que les vieux continents
Mais son aura grandit
Chaque fois que quelque chose engendre.
Rien n’est visible.
Combien de fois faudra-t-il buter sur cette évidence ?
Chaque fois ?
[Pascal]
Au moins une fois chaque fois.

[Morgane]
Je ne connais pas d’endroit plus calme.

[Alfred]
J’étais presque à l’aise dans cet à-peu-près.
À pied, on ne peut pas aller plus loin.
Il y a dehors un vrai silence et, puisque j’entends le bruit de fond de mes oreilles, sans doute tout le silence possible.

[Olga]
Malheureusement, je ne me souviens plus des questions que j’ai posées
Et je ne me souviens plus des réponses.

[Pascal]
À quoi ressemble l’après-nous ?
Un pont sans balustrade, un bled en planches, à genoux dans l’herbe.

[Olga]
Et… après, je me suis rendu compte que c’était moi.
Pas un mot. Pas une explication.
Moi et la zone, c’était la même chose.

[Pascal]
Comme avant l’usage de la parole.

[Morgane]
Revoyons d’abord la scène initiale.
W… Watt ?

[Alfred]
Des potimarrons géants, blancs comme des œufs.

[Morgane]
Je ne sais pas ce qu’il faut mettre de soi là-dedans : autant que possible ou le moins.
S’il faut venir entier, intense…
Ou transparent ?

[Pascal]
Fantôme chez les fantômes.

[Morgane]
Les fantômes n’ont pas déménagé ?

[Pascal]
On n’a pas déménagé les morts.

[Morgane]
Et y passer la nuit ?

[Pascal]
Quatre ans de trajet.

[Morgane]
Je ne suis pas pressée.
Tu as bien dormi ?

[Pascal]
Comme un genre de bébé.

[Olga]
Malheureusement, je ne me souviens plus des questions et je ne me souviens plus des réponses.

[Morgane]
Je n’aimerais pas croiser une poule dans la zone…
Tu devrais dire à quoi ça ressemble.

[Alfred]
À l’enfance ?
La lumière est nettement bleue en entrant dans la forêt. Le fût des arbres est gris sur quelques mètres et puis très roux, presque rouge, jusqu’en haut. Un aérographe est passé. Il a projeté de la cendre, il a soufflé de l’acide. C’est très beau. Un peu l’impression d’entrer dans une église organique. Les araignées relient les arbres… C’est pitié de s’en mettre plein la figure.

[Pascal]
Je marche au nord à la boussole sans filtre respiratoire vers une pièce d’eau que signale la carte.
Ici, le quartier des bains de la gent sanglière, des bassines de terre molle, à l’ombre.
Un carré de prairie troue le bois.
Quelques vestiges d’un barrièrage.
Des coucheries de grands animaux balafrent l’herbe haute.
J’entre dans la forêt comme j’entrerais dans l’eau, très habillé.
C’est l’organe de la peur que je surveille, que je calme chaque fois. Ça marche. Je marche. Je ne fanfaronne pas. Le moindre vestige ranime le trouble. Fait levier.
Un égout en ciment, dans ce qui semblait la jungle.
Des grands arbres scarifiés, pour leur sève, il y a longtemps. Et cette ancienneté leur donne un air de totem.
Un remblai rectiligne, qui dut être un chemin et sert de pouponnière aux ronces.
Un manchon de rouille, retraité de la conserve.
Un poteau électrique, épaulé par des arbres, est d’une familiarité que l’on n’est pas sûr de vouloir partager. Faut-il le saluer ? Est-on sa mission de sauvetage ? Il est en bois, il a collaboré. Sa condition n’est pas simple.
Il n’y a pas de pensée ici, sur notre longueur d’onde. Je n’entends que les chuchotis de mon cerveau. Son électricité se pelote, miraculeuse et toute nue dans l’impensable. Une souris dans des kilomètres cubes d’eau plate.
Quels rêves ferait-on à dormir ici ?
L’archipel est un cauchemar avéré et je suis en train de lui bricoler une capacité à me remettre au monde.

[Morgane]
La crasse de la petite maison nous est bien devenue familière…
On finit par s’appuyer sur le chambranle gras sans plus y penser. La veille quelque chose nous aurait donné l’ordre d’aller savonner nos mains. On ne s’est pas résolu à supporter d’être sale. On est passé de l’autre côté.»

[Pascal]
La vodka cul nu, c’est assez raide au début.

[Morgane]
Au 103, Zaritchna. Village de V., district de P., région de K., archipel… de soi.
Attrape-moi une maison en face de l’île.
Je te ferai cinq ou six petits.
Nouveaux.

Photo Julien Lebfèvre

[Morgane]
Démêlé dans un buisson, le soir.
L’archipel n’est pas descendu jusque-là.
Asseyons-nous sur le banc.

[Pascal]
Douze septembre, sept heures cinquante-cinq.
Nous ne sommes pas les seuls, ici, à bricoler de l’éclairage.
Valera revient, dit-il, d’une opération clandestine. Cuivre et bronze. Dans une ville que l’Archipel a mangée.
Il s’inquiète pour ses gosses et cuit le métal pour faire tomber la dose.
Il va dans l’île toucher son propre bord, dit-il.
Vingt-huit août, 8h22
J’avais commencé une liste pour l’abécédaire.
Watt, langue, question, cheval…
Vingt-six novembre, 1h50
« Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve» a dit Hölderlin.
« Là où croît le péril, croît aussi ce qui sauve ».
Et sinon quoi ? Fuir ?

[Alfred]
Fuyez, les arbres !

[Pascal]
J’éteins l’appareil.
Je marche.
Il n’y a pas d’oiseau dans ce secteur, je m’en rends compte.
Les petites cabanes rondes punaisées aux arbres hébergeraient des grimaces maintenant. Dans un conte. Des créatures intermédiaires. Acclimatées à la guerre. Il suffirait qu’elles naissent sans le moindre nerf.

[Morgane]
C’est très calme, comme guerre.

[Pascal]
Da. On irait voir Luda ?

[Morgane]
Un spécimen sympathique…
Sur cette sonographie, l’Homo Sapiens Luda
cajole son chat.

[Alfred]
La première fois que j’ai vu Stalker, le film s’est mis à vivre. J’avais la clef. De ce monde-là. Qui est la clef d’un code vivant.
Je devais dormir.
Ça n’avait rien à voir encore avec l’Archipel. J’étais fasciné. Je voyais le film déployer sa lenteur interstitielle, pousser quelque chose que je ne comprenais pas, mais dont la vérité m’excitait comme jamais. Cette sensation d’avoir en soi la source, la même source. De partager non pas l’univers du film, mais l’expérience intime de la réalité dont il témoigne.
Qu’était-ce exactement ?
“Qu’était-ce exactement ?” demande le prologue du film.
J’allume une cigarette.
La première fois que j’ai vu Stalker… Où était-ce ? Et quand ?…
J’ai fini de m’agiter là-dedans, avec la carte, les appareils, l’attirail… Les bottes. J’en utilise une paire, dont l’intérieur à je ne sais quoi de mal foutu. On marche mal, on ne respire pas, bien. Maintenant je me calme avant de quitter la solidité de la route…
Ce n’est plus l’animal étrange, amorphe, vénéneux, surfacique. C’est son rêve.
Ce n’est plus…
De quoi suis-je en train de parler ?

[Pascal]
Le vent est comme j’aime, très haut, à brasser le souple des arbres. Je ne bouge pas.
Je tiens vingt minutes comme ça, la bouche ouverte, planté à côté du mannequin qui accumule du temps de l’île.
Bouche ouverte, le flux d’air est mou, respirer fait moins de bruit.
Ne pas bouger, ne pas déglutir, laisser les insectes butiner de l’humain…
Solide problème pratique.
Au bout d’un moment la terre a remplacé le sang dans mes jambes. Je vais finir par m’oublier.
C’est peut-être un progrès…
La première année tu picoles au bord, la deuxième tu te jettes en bottes… Un progrès…? Une défaite…?
L’impression d’arriver par la route dans une préhistoire. Et peut-être bien la tienne. Du temps où rien n’allait de soi… Ça t’arrête net.
L’année suivante, tu marches sur des oeufs, vers des objectifs à cent mètres, mangé du dedans par l’espèce d’apnée, les heures de masque… la gamberge… Ce branle-bas du dedans et tout le corps à cran dans l’attente d’un clash…
…Comme si quelque chose d’indéfinissable et d’énorme devait finir par… souffler dans ton dos…

[Morgane]
Son nom.

[Pascal]
Le tien.
Une année encore et la sueur t’énerve. Tu ôtes les gants. L’île est pourrie ? La peau se tait.
Tu lâches la route ? Ton corps n’a pas d’avis tranché.
Tu débranches les nerfs et tu marches
jusqu’à ce point mort : vingt minutes, immobile au milieu du temps,
petit phare où la pensée clignote
tandis que Vlad accumule
le million de très petites vigueurs du moment.

[Morgane]
Flinguer du volatil dans le psychoparc.
Une autre manière de continuer l’homme.

[Pascal]
Je ne connais pas de fiction où l’avenir n’ait pas encore quelque chose à voir avec l’humain : « si nous ne pouvons survivre, rien ne le pourra ».
L’Archipel campe cet avenir urticant, inédit, d’un monde survivant à l’Homme, d’un monde intact, en apparence, mais dont il faut déguerpir. Nous n’aimons pas ça.
Qu’importe à l’ADN de poursuivre dans une blatte ? Que lui importe que la branche Sapiens se morde, couve la rage et se morde ? L’avenir a-t-il besoin d’une espèce omnivore à ce point ? Que lui importe d’investir davantage dans le cafard et la bactérie ?
Vingt-trois heures sur la Butcha. La vie travaille. Sans témoin.
La présence de Vlad est un petit accident.

[Morgane]
Ainsi soit-il. Viens m’embrasser.
La pièce d’eau que signalait la carte… ?

[Pascal]
Un océan d’herbe.
J’essaye de photographier l’île cette année-là…

[Morgane]
Et alors ?

[Pascal]
Ça va.

[Morgane]
C’est-à-dire ?

[Pascal]
On ne voit rien.
Et puis j’ai vu que nous manquions.
Quatre ans pour voir
Que quelque chose de nous pouvait manquer.
Qu’avons-nous d’un peu regrettable ?

[Morgane]
Les paroles de la chanson…

[Alfred]
Dans la petite salle dévastée de l’ancienne minoterie, Stalker se regarde, l’ordinateur en équilibre sur l’appui d’une fenêtre morte. Le vent circule dans les ruines. J’allume une cigarette.
Ce n’est plus l’animal étrange, amorphe, surfacique, c’est son rêve.

[Pascal]
Nous sommes revenus au village.

[Morgane]
La chanson qui manque… je te la chanterai…

Photo Julien Lebfèvre

[Alfred]
Pourquoi Arthur Rimbaud n’a-t-il pas découvert l’Amérique ?
Pourquoi ne lui a-t-on pas confié d’en dire l’essentiel ?
Cette sacrée bascule serait tellement plus consciente. Ce serait torché en huit phrases et nous serions à bord. Nous saurions tout ce qu’il faut savoir, de l’humeur du mousse à l’urticant des méduses…
On a longtemps cru que les océans finissaient par tomber.
On a longtemps cru que l’île émanait d’un chancre inédit. D’un accident.
J’ai longtemps cru quelque chose. Mais je ne m’en souviens plus.
Je n’ai pas noté l’évidence que c’était.
Ou bien les détails ont péri.
Les romans, peut-être, nous donneraient des becquées de souvenirs.
Mesdames et Messieurs.
Ne pouvait-on s’attendre à la présence d’un continent ?
Qu’il soit pourri n’y change rien.
Mais pourquoi s’en moquer ? Nous n’avons que ça.

[Morgane]
Il nous est arrivé quelque chose.
Nous sommes au vingt-et-unième siècle et nous avons d’autres chats sur le feu.
Mais ce chat-là, qui ne parlait déjà plus
Ce chat-là, lové dans l’île en feu, invisible tu sais, pouvait sembler caressable, au fond
à la condition d’aller nu, à la condition d’entrer seul, à la condition de se taire peut-être.
Et ce n’était pas très aisé, car nous étions vieux alors.
Il nous est arrivé quelque chose…
Au moment de le caresser, ce n’était plus l’animal étrange, amorphe, surfacique, c’était son rêve.
Qui voulait boire et n’avait pas de langue.
C’est peut-être par les puits qu’on l’entendra feuler.

[Pascal]
Vlad est sous le pont de Volodarka à l’heure du lait.
Bouffées de manque d’air
à l’idée de ne pas revoir la forêt
avant je ne sais quand.
Je réfléchis à l’idée de ramener un peu de terre.
Dans un bocal.
Et puis je renonce.
Au fond, j’ai funambulé…
Il se peut que nos fils soient tendus
par terre désormais.
Mais l’Île m’a poussé à l’aplomb de chaque instant.
Et tant que quelque chose avance, l’ensemble ne tombe pas.
Avant de venir ici, je n’aimais guère les gens.
Mais je suis entré chez ceux-là, et vice-versa.
Et puis j’ai fini par entrer dans l’Île…
Et vice versa.

[Morgane]
Un peu au nord, on parle d’y loger des colonies.
Dans les capitales, on soutient que l’île n’est pas assez dangereuse pour y renoncer.
J’en venais à me dire que la Terre, en endossant l’île, se protégeait de nous, protégeait les siens, nous poussait un peu, se donnait de l’air.
J’ai fini par l’aimer.
Sur la sonographie…
Un petit loup, sec dans un puits sec.
Une route mince. Déconnectée.
Des villages un peu gommés.
Un pêcheur, la nuit. Une cigarette.
Trois coups de feu, très loin.
Un empilage de briques. On démonte.
Ouvriers clandestins.
Gosses vénéneux. Dont le coeur déraille.
Une zone intense, au soleil.
Araignées-oiseaux-sangliers-champignons.
Bouteille épaisse en verre ; poteaux sans ligne, de feu l’électricité.
Tellement rien en somme
Qu’à force d’y braquer nos jumelles on voit tout à fait bien leurs défauts d’optique.

[Alfred]
On ne s’assoit pas dans l’Archipel.

[Pascal]
L’orage est passé. Le pont s’égoutte par en dessous. Je me réveille à quatre heures du matin du côté de l’ancienne rivière Butcha. À l’endroit même qui m’avait stoppé net la deuxième année. J’ai très bien dormi.
Un peu l’impression d’avoir pioncé sur un matelas pneumatique posé à la surface du sommeil. J’ai dû rêver que je ne dormais pas.
Finira-t-on jamais d’être naïfs ici ?
Ça pourrait finir comme une conférence de connaissance du monde.
Région muette dont on ramène des heures. Des blocs de temps sonore. Une île du vingtième siècle.
Ça pourrait finir comme une conférence de connaissance de soi… Très tard… À la vodka.
Un verre pour se taire, un verre pour les morts, un autre pour les enfants, et… pour la suite on verra.

Version du 13 mars 2015, Volodarka, chez Baba Nina